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Carnets Parisiens
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8 décembre 2009

Flash-back

  Il est midi passé , le marché est sur la fin ; les commerçants font des prix pour les attardés et les amateurs de grasse-matinée . "Elle là-bas , un peu plus loin ; je crois qu'il lui en reste . Allez-y vite !" Je cherche des yeux et ne vois rien aussi loin que porte mon regard , il fait froid , je suis fatiguée , j'ai faim et envie de rentrer mais ne veux pas partir encore . "Si , si plus loin !" Ah , je la vois enfin , dans l'angle du bâtiment . Je m'approche de son étal et des yeux de khôl me dévisagent , intenses . Un visage mat aux joues pleines avec cette finesse berbère . Un regard sans âge , empli de sagesse millénaire et facétieuse  . Elle me donne un verre ciselé d'or , brûlant . Le choc est brutal , âpre , suave aussi . Sur mon palais roule le sucre , râpe les feuilles de thé amer , coule le vert de la menthe , et une chaleur intérieure me brûle soudain au milieu des bourrasques du vent froid . Mes yeux se ferment une fraction de seconde et je suis en Afrique sous un soleil vibrant , chez moi . Des voix que je ne comprends qu'à moitié m'entourent jusqu'à ce que je réalise que c'est toute l'atmosphère de Sandaga qui est là , en moi , par la magie d'un tout petit verre de thé ; je devine des sourires lumineux dans cette langue heurtée et pleine d'amitié africaine . Cà chante dans ma tête , çà sent le sable , les fruits trop mûrs et sucrés , la mer et la charogne pourrissante , les égouts débordants , le mafé qui mijote et les parfums violents des coquettes venues palabrer sans fin . Je vois les vieux qui regardent la vie passer indéfiniment , les couleurs qui explosent de tous côtés , des yeux rieurs et gourmands , des visages d'ébènes , nobles et altiers , le bazin des grands boubous brodés qui claquent au vent , et toute ma peau s'imprègne d'humidité dans la moiteur tropicale ...

  Mes yeux s'ouvrent brouillés de larmes , je suis sur le marché de Tarascon et la femme me regarde des ses yeux noirs et lumineux et un sourire s'esquisse imperceptiblement sur son visage : elle a compris mais ne dis rien , heureuse d'avoir pu faire don de sa terre à qui sait la reconnaître .

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